Je soigne Roland, un garçon de 12 ans en pédiatrie. Je souhaitais partager son histoire car elle me touche.
Sa maladie évolue depuis plus d' un an mais les parents ont traîné pour le soigner et nous l’amène quand rien ne va plus.
Il est arrivé à l'hopital paralysé des membres inférieurs, voûté et avec des douleurs importantes.
On pense qu’il souffre d’une tuberculose osseuse mais avec le temps on se rend compte qu’il ne répond pas au traitement et que c’est probablement tumoral.
C’est un gamin super intelligent, il parle parfaitement le français et me pose chaque matin des questions sur son traitement. Il s’intéresse à tout.
Malheureusement son évolution n’est pas bonne. Il souffre beaucoup et me dit chaque matin qu’il n’a pas dormi à cause de la douleur. Nous n’avons que du paracétamol et des anti-inflammatoires comme anti-douleurs... Nous avons discuté entre médecins. Nous avons fait tout notre possible. Il n’y a pas de scanner, pas de biopsie possible. Et quand bien même on trouverait la cause de son mal, comment le traiter? Nous pensons qu’il est condamné. Difficile à accepter.
Chaque jour je vois son sourire diminuer. Le mien aussi. Je n’ose quasi plus le regarder quand je fais le tour de salle. Mais avec le temps un lien s’est créé même si on essaye de se mettre des barrières. Je crois qu’il n’y a rien de pire que de faire du palliatif en pédiatrie.
2 mois se sont écoulés depuis son arrivée. Une pédiatre venue d’Espagne pour 5 semaines m’annonce au dîner que Roland est très grave et va probablement « partir ». Je termine mon repas la gorge serrée, je mange en 4ème vitesse pour aller le voir.
Il est effectivement très grave mais conscient. Il dit qu’il va mourir. On lui instaure un traitement. Je veux lui mettre de l’oxygène et l’aspirer pour qu’il soit plus confortable mais pas d’électricité… les panneaux solaires sont en panne ! Je reste là, impuissante, à ne savoir rien lui dire car si je parle, je pleure. Je rentre à la maison, je craque. Trop dur.
Je prends mon courage à 2 mains et je retourne le voir dans l’après-midi pour voir s’il est toujours là. Son état s’est stabilisé. Je lui dis qu’à 18h (allumage du groupe électrogène), on va lui mettre l’oxygène pour qu’il se sente mieux. Il refuse… il me dit que tous les enfants à qui on a mis l’oxygène sont morts… Ben, oui, en 2 mois, il en a vu des enfants mourir dans notre service ! Alors me voilà, assise avec lui sur son lit à parler de la mort et du bon dieu. A défaut de ne pas pouvoir le soigner, j’essaye qu’il ne soit pas anxieux et qu’il accepte la mort sereinement. J’arrive à le faire sourire quand je lui dis que les enfants « à qui on a mis l’oxygène » sont très probablement en train de jouer et de manger la boule au Paradis.
5 jours passent. Son état n'est pas brillant mais stable. La maman et lui même me demande pour rentrer au village. J' accepte. J' espère juste qu' il résistera au transport (son village est à plus de 80km) et qu'il pourra rejoindre sa famille "à temps".
Une chose est sûre, je ne suis pas prête d' oublier ce petit bout d' homme.