La faim

Dans la rue je croise deux jeunes garçons : ils me demandent une pièce pour manger. Formatté par le discours "donner n' aide pas les populations locales à se développer"; je tente de leur expliquer que je suis venu principalement pour enseigner. Un des deux enfant (moins de 10 ans) me répond :
- Oui, c' est bien, mais si on a pas à manger comment voulez vous qu' on aille à l' école !
Je reste sans voix...

Un matin les soeurs me donnent quelques goyaves que je garde dans un sachet pour rentrer à la case. En croisant Thomas (l' employé de l' hôpital qui tente de m' apprendre le NGambay), je lui demande:
- J' ai des Goyaves tu en veux une ?
En un instant il baisse son regard vers le sol et joint ses deux main comme pour recevoir une offrande. J' ai bien compris que ma question n' avait aucun sens: c' est une évidence, il a faim!

En marchant vers l' école un jour je sens que quelque chose ne tourne pas rond. On me regarde bizarrement. Les élèves aussi. A la pause je remarque que j' ai laissé dépasser la queue de la banane que je comptais manger. En rentrant à la maison on m' a demandé 4 fois à manger ...

Ici la faim est omniprésente, mais ne se remarque pas au premier abord. La faim que je constate ici est pourtant insignifiante à coté de celle vécue dans les coins reculés de brousse, ou celle rencontrée par Pupuce à l' hôpital. Elle est d' autant plus difficile à supporter que nous mangeons bien et sommes en pleine forme.